Un nouveau matériau absorbant la lumière améliorera l’imagerie oculaire et la surveillance des doses de médicaments contre le cancer
Mardi, Décembre 13, 2022
La création d’un matériau absorbant la plus grande partie sinon la totalité de la lumière améliorerait l’efficacité d’équipements médicaux. Michael Reimer, professeur à l’Institut d’informatique quantique ainsi que chercheur en génie électrique et informatique à l’Université de Waterloo, a entrepris de créer un matériau composite artificiel, ou métamatériau, ayant exactement cette propriété. M. Reimer et son équipe de chercheurs ont atteint leur objectif et mis au point une nouvelle classe de matériaux qui absorbent la lumière mieux que tout ce qui existait auparavant. Les citations de cet article sont traduites de propos tenus en anglais par M. Reimer et Sasan V. Grayli.
« Cette découverte aura des réprcussions importantes dans le cas de longueurs d’ondes utilisées pour la surveillance des doses de médicaments utilisés pour le traitement de cancers, a déclaré M. Reimer, de même que pour les télécommunications, pour le domaine de la défense et pour la tomographie par cohérence optique permettant de détecter plus tôt des maladies oculaires. »
L’équipe de M. Reimer comprend : le postdoctorant Sasan V. Grayli;; le doctorant Brad van Kasteren, auteur de la conception et de la modélisation numérique du matériau; le doctorant Burak Tekcan, qui a travaillé dans l’installation de fabrication et caractérisation nanométriques quantiques de Waterloo pour fabriquer des nanofils ayant une forme aussi voisine que possible de celle des nanostructures employées dans la modélisation. L’équipe a également collaboré avec le professeur Zbig Wasilewski, du Département de génie électrique et informatique, qui a réalisé le matériau semiconducteur de grande qualité utilisé pour fabriquer les nanofils. Ensemble, ces chercheurs ont mis au point une nouvelle catégorie de métamatériaux capables d’absorber plus de 99 % de la lumière. Grâce à une conception soignée de la forme et de l’espacement des nanofils, l’équipe a démontré la capacité de ces métamatériaux à absorber la lumière dans une gamme étendue de longueurs d’onde.
« Nous avons montré que le travail expérimental est en accord avec la théorie que nous avions élaborée pour expliquer les caractéristiques d’absorption du réseau de nanofils, a déclaré M. Grayli. Il vaut la peine de souligner que nous avons pu mesurer une efficacité d’absorption de 93 % dans une région inédite du spectre, de 900 nm à 1 650 nm. »
Maintenant que l’équipe de M. Reimer a créé ce nouveau matériau, la prochaine étape consiste à l’incorporer dans divers dispositifs. Le premier que son équipe tente de construire est un détecteur capable de mesurer une seule particule de lumière, c’est-à-dire un photon individuel. L’objectif à plus long terme est de fabriquer une caméra sensible à des photons individuels pour l’imagerie oculaire.
« Ce qui est bien à propos de ces nouveaux détecteurs — comme le détecteur de photons individuels —, dit M. Reimer, c’est que dans l’infrarouge proche, les détecteurs portatifs actuels à base de semiconducteurs ont une efficacité de seulement 25 %. Comme nous pouvons maintenant absorber plus de 90 % de la lumière, cela améliorera sensiblement l’efficacité des détecteurs pour les applications en question. »
Actuellement, dans le contexte de la santé oculaire, pour atteindre une grande efficacité de surveillance et de détection à l’extérieur du spectre visible, il faut des détecteurs formés de nanofils supraconducteurs qui transportent des charges électriques sans résistance à l’échelle nanométrique. La portabilité et la facilité d’utilisation de ces détecteurs sont toujours limitées par la nécessité de les refroidir à 3 kelvins. À l’opposé, les détecteurs à semiconducteurs, y compris ceux sur lesquels travaille M. Reimer, sont portables, et le projet actuel consiste à mettre au point un nouveau photodétecteur à semiconducteurs plus efficace que tout ce que l’on a réussi jusqu’à maintenant. Les photodétecteurs précédents à base de silicium et d’alliage utilisés en imagerie oculaire ont une efficacité limitée dans les longueurs d’onde allant de 800 nm et 1 000 nm, aussi appelées « la vallée de la mort ». Le nouveau matériau absorbant davantage de lumière apportera des avantages pour les applications fonctionnant dans la gamme de longueurs d’onde allant de 900 nm à 1 650 nm.
Dans cette expérience, les chercheurs ont éclairé le nouveau métamatériau avec une source lumineuse à large spectre. En mesurant la quantité de lumière réfléchie et la quantité de lumière transmise par ce matériau, ils ont pu en déduire la quantité de lumière absorbée. Les nanofils agissent essentiellement comme des guides d’ondes dirigeant la lumière, mais si l’on dispose avec soin les nanofils en réseau, la partie de la lumière qui n’est pas absorbée par un nanofil donné peut être recueillie par les nanofils voisins, ce qui entraîne une absorption de plus de 90 % de la lumière incidente. Une grande partie du travail a consisté à concevoir la forme des nanofils de telle sorte qu’ils n’agissent plus comme un matériau volumineux reflétant une grande quantité de lumière, mais qu’en raison de leur espacement ils constituent un mécanisme permettant une meilleure absorption.
M. Reimer croit que ce nouveau matériau capable d’une meilleure absorption de la lumière aura des répercussions importantes dans les domaines des soins de santé et des télécommunications. Pour revenir au travail de recherche, M. Reimer concentre maintenant son attention sur la surface des nanofils, afin d’éviter que de faux signaux indésirables atteignant le détecteur ne se manifestent à l’échelle des photons individuels. Michael Reimer cherche des manières de traiter la surface des nanofils afin de diminuer le niveau de bruit dû au métamatériau tout en conservant ses caractéristiques de grande absorption dans la gamme de longueurs d’onde voulue. Son équipe est maintenant plus proche d’une technologie hautement efficace qui aidera à détecter des signes précoces de cécité et à doser des médicaments utilisés pour le traitement de cancers.
Ces recherches ont été financées en partie par le Fonds d’excellence en recherche Apogée Canada, par l’intermédiaire du programme Technologies quantiques transformatrices (TQT).
L’article intitulé Semiconductor nanowire metamaterial for broadband near-unity absorption (Métamatériau de nanofils semiconducteurs capable d’une absorption presque parfaite dans un large spectre) a été publié le 11 juin 2022 dans Scientific Reports.